Futsal en France : Un essor pas si rapide
- Yanis Ighilahriz
- 22 sept. 2023
- 6 min de lecture
Dérivé du football né en Amérique du Sud dans années 1930, le futsal gagne de plus en plus en notoriété à travers le monde. Très implanté dans la péninsule Ibérique et dans son continent d’origine, qu’en est-il de la situation du « Futbol de salon » en France ? Entre une pratique en essor et une structuration parfois lente, focus sur une discipline pleine d’atouts.

Pour nous apporter leur expertise, nous avons pu compter sur les aimables réponses de quatre personnes impliquées dans la discipline. Samir Aboudou, gardien du Paris ACASA qui évolue D1 de futsal et international Comorien. Cherif Bouchikhi, entraîneur des U13 du Burel FC (Marseille) qui a pratiqué le futsal auparavant au sein du club de Marseille Beach Team. Fallah Mansoibou, fondateur de l’association « Voyons Plus Loin » qui met en avant différentes variantes du football dont le futsal. Sabry Bezahaf, sélectionneur de l’équipe nationale des Comores et ancien entraîneur adjoint d’ACCS Futsal (2020-2022) après 10 ans de carrière en D1. Champion de France 2020 et 2021 et demi-finaliste de la Ligue des Champions 2022 avec ce même club.
Dans l’hexagone, nul doute que le futsal gagne en popularité. Sport attrayant, agréable à regarder et à pratiquer, il fait de plus en plus d’adeptes. Toujours amateur (nous y reviendrons plus tard), la discipline est bien moins enracinée institutionnellement que le football à 11. Il y a généralement en France 6 échelons : Division 1, Division 2, Régional 1, Régional 2, Départemental 1, Départemental 2 (peut varier selon les régions). Ainsi, ce faible nombre de divisions et la structuration récente peuvent permettre des montées et descentes rapides. Il n’est donc pas rare de voir des clubs à la base dédiés à la pratique en loisir accéder à des niveaux nationaux.
Le championnat de 1ère division de futsal est de plus en plus relevé selon Samir Aboudou « Rien à voir avec la situation il y a 7 ans où seulement 2 équipes jouaient le titre, ce n’est plus le cas. Les clubs se structurent ». Un simple coup d’œil au palmarès du championnat de D1 permet de confirmer son propos, les champions sont bien plus diversifiés depuis 2018.
Si le 1er échelon semble être sur la bonne voie, la plupart des clubs se heurtent à des obstacles quotidiens, le premier d’entre eux étant l’accessibilité des gymnases. Fallah Mansoibou nous dit « Le fait de partager els gymnases avec d’autres disciplines peut s’avérer handicapant. D’autant que le futsal n’est pas la priorité des pouvoirs publics ». Ce constat est partagé par l’ensemble des personnes interrogées. Cela limite par conséquent la possibilité de développer les catégories jeunes dans la discipline. A titre d’exemple, dans les Bouches du Rhône, les championnats ne débutent qu’à partir des U18.
A noter qu’il existe des disparités territoriales dans le développement du futsal. Les régions Île de France et Nord sont les « fiefs » du futsal en France. L’Ouest, l’est et la Corse tendent également à se développer, tandis que le sud-est semble à la traîne avec un seul club au niveau national (D1 et D2).

L'ES Laval, champion de France de futsal en 2023
Le futsal, une discipline riche mais peu exploitée en France
Un développement plus important du futsal pourrait offrir des apports conséquents pour les joueurs jeunes et moins jeunes. Que ce soit dans l’optique de faire carrière dans la discipline ou dans le football à 11.
Cherif qui a commencé le futsal en sénior témoigne « Le futsal m’a fait progresser, surtout dans la vision de jeu ». Cette « Crise de temps et d’espace » comme dit Sabry Bezahaf pousse forcément je joueur à développer des facultés parfois occultées sur grand terrain. Samir insiste notamment sur la palette de surfaces du pied utilisée en pratiquant le futsal. Outre le fait que le futsal laisse une plus grande place à la créativité dans les petits espaces, les gestes simples de contrôle-passe sont essentiels selon Sabry.
En France, malgré tous ces avantages, le futsal est assez peu pratiqué en catégories jeunes. Comme nous l’avons vu précédemment, les compétitions de futsal sont instaurées à un âge bien plus avancée que celles du football traditionnel et ce dans tout le territoire hexagonal. Certains clubs tels que l’Olympique Lyonnais l’incorporent de plus en plus au sein de leur centre de formation mais cela reste assez rare malgré des volontés existantes. A titre d’exemple, Cherif souhaiterait mettre en place cela au Burel dès les catégories U10 ou U11. Il voit également cela comme une façon de compenser la pratique de moins en moins importante du football de rue. Le manque de développement du futsal chez les plus jeunes peut également s’expliquer par un déficit d’éducateurs ayant une expertise dans la discipline.
Fallah Mansoibou, qui en plus du futsal développe avec son association d’autres types de football tels quel le teqball ou le beach soccer, considère également que celles-ci peuvent être un apport conséquent.
S'inspirer des "pays de futsal"
Dans la péninsule Ibérique et en Amérique du Sud, ces disciplines sont bien plus implantées. Cela permet donc de développer une palette technique importante. Le Brésil est sûrement le pays qui symbolise le plus ce phénomène. Le futsal y tient une place de choix, la plus grande partie des joueurs professionnels brésiliens ont d’ailleurs commencé ainsi. Il y est pratiqué de façon exclusive jusqu’à l’âge de 13 ans avant de passer sur des terrains traditionnels. L’Argentine, le Portugal et l’Espagne consacrent aussi une part importante au futsal dans le processus de formation du joueur.
C’est d’ailleurs dans ces pays que la discipline est la plus développée au niveau professionnel. Les clubs sont structurés et les championnats médiatisés attirant de nombreux spectateurs dans les gymnases. Il est à noter également que de grands clubs de football à 11 disposent d’une section futsal tenant le haut du pavé (Corinthians, Boca Juniors, San Lorenzo, Benfica Lisbonne, Sporting Lisbonne, FC Barcelone etc …). Ce qui représente une force en termes de moyens matériels mais également de médiatisation.

FC Barcelone - Sporting Lisbonne, finale de la Ligue des Champions de futsal 2022, symbole de clubs historiques avec des sections futsal performantes
Le sujet de la professionnalisation est central pour le développement du futsal en France. En effet, certains clubs évoluant au plus haut échelon national restent fragiles. L’exemple le plus criant est ACCS, après deux titres de champion de France et de beaux parcours en Ligue des Champions, le club est rétrogradé administrativement. Cette situation met en lumière une structuration fragile, nombre d’équipes dépendant en grande partie de subventions. En D1, seuls Laval, l’UJS Toulouse et Mouvaux ont des effectifs où la totalité des joueurs dédie entièrement leur temps au futsal sans autre activité professionnelle. Sabry note tout de même une amélioration « L’évolution est significative depuis 12 ans, mais on peut faire beaucoup mieux sur la structuration. Beaucoup de clubs n’assument pas plusieurs saisons en D1 ».
Des motifs d'espoir concrets
Malgré une situation contrastée, de nombreux signes d’amélioration sont à noter. L’ouverture d’un pôle espoir à Lyon qui a débuté avec l’entrée de la génération 2007 prouve cette volonté de développement. Le fait que de nombreux joueurs de l’équipe de France aient pu jouer à l’étranger dans des clubs professionnels rend l’équipe de France plus compétitive également. L’arrivée ces dernières années, via ACCS, de grands noms du futsal mondial tels que Ricardinho (joueur) ou Jésus Velasco (entraîneur) apporte de nouvelles compétences et réhausse le niveau l’attractivité du futsal Français. Il n’est désormais pas rare de trouver des entraîneurs ou membres du staff venant de l’étranger, au Paris ACASA par exemple.

L'équipe d'ACCS en 2022, demi-finaliste de la Ligue des Champions avec pour entraîneur adjoint Sabry Bezahaf
Ainsi, au fil des réponses et des recherches, il nous est apparu que le futsal français est sur une pente ascendante. Sa popularité est grandissante, les clubs s’y penchent de plus en plus et ses apports dans le cadre de la pratique du football à 11 sont de plus en plus mis en avant. La professionnalisation et les moyens mis à disposition des clubs sont des sujets centraux pour une ascension encore plus importante. La mise en avant de la discipline et la mise à disposition de moyens et infrastructures notamment pour les clubs amateurs sont des problèmes souvent soulignés. Une situation résumée simplement par Samir Aboudou « Le futsal s’est beaucoup développé en France mais moins vite que je le pensais ».
Pour suivre l'actualité de nos invités :
Podcast "On se sait" animé par Sabry Bezahaf : https://www.youtube.com/@OssPodcast/videos
Twitter de Cherif Bouchikhi : https://twitter.com/cherifff13?lang=fr
Page Instagram de l'association "Voyons Plus Loin" : https://instagram.com/voyonsplusloin_?igshid=MWZjMTM2ODFkZg==
Yanis IGHILAHRIZ.
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